vendredi 19 janvier 2007

Rencontre hier du 3 avril 2007 entre le PS Sciences Po et cinq associations des banlieues : le compte rendu

Les socialistes de Sciences Po et l'association Nous Français Issus de l'Immigration, initiatrice de la rencontre, ont organisé hier soir une rencontre en salle Eichtal avec des responsables d’associations travaillant en banlieue, parmi lesquelles « AC le feu », créée à Clichy-sous-Bois à l’issue des évènements de novembre 2005. Ce nouveau rendez-vous, après celui au cours duquel nous avions invité Mohamed Bouqriti (city reporter à Orléans) avait pour but de mettre à l’honneur des citoyens actifs qui agissent au service de la Cité en dehors des microcosmes habituels. L’occasion d’une discussion sincère et enrichissante sur la démarche de ces associations et les difficultés auxquelles est confronté aujourd’hui le monde associatif. Hajid Kabdani représentait l’association « A chacun ses vacances », qui prend en charge des enfants et adultes handicapés mentaux. Employant 23 salariés, elle existe depuis 3 ans. Elle propose des services périscolaires pour les personnes handicapées. Palmyre Vincent a présenté « Entraide Scolaire Amicale » qui compte 1750 bénévoles proposant des activités périscolaires gratuites depuis plus de 20 ans, à domicile, en région parisienne et en province, auprès d’enfants défavorisés. Le fait d’intervenir en dehors de l’école permet ainsi d’apporter en plus du soutien scolaire, une ouverture culturelle. Ibn Sacah Lyazid était présent pour l’association AMDR (Association des Marocains des Deux Rives), créée en 1992 et qui vise au rapprochement et à la lutte contre les préjugés sur les populations issues de l’immigration. Eros N’Simba représentait l’Association audonienne pour l’éducation à la citoyenneté qui se mobilise à Saint-Ouen avec pour leitmotiv que l’intégration nous concerne tous en tant que processus social au sens large, y compris les « Français de souche ». Elle lutte contre le racisme et promeut la laïcité. Elle a développé différents projets avec des villes d’Afrique du Nord ainsi qu’en Allemagne et en Italie. Eros N’Simba insiste sur l’idée que, en matière de lutte contre les inégalités sociales, tout ne viendra pas de la politique mais que les citoyens eux-mêmes doivent en être acteurs. « AC le feu » était également présente. Cette association a été créée suite aux évènements de novembre 2005 afin de « jauger ce qui se passe en France » à travers un premier tour de France et la rédaction d’un cahier de doléances à partir des 20 000 doléances recueillies dans les banlieues. Une marche silencieuse a été organisée le 25 octobre pour sensibiliser le politique. Une action pour l’inscription sur les listes électorales a été organisée le 6 décembre. Le cahier de doléances a débouché sur un Contrat social et citoyen qui s’adresse aux présidentiables. Il a été notamment signé par Ségolène Royal. Mais « AC le feu » veillera à ce que les engagements pris soient respectés. Un nouveau tour de France sera organisé et se terminera le 12 décembre. Enfin, une « marche des oubliés » sera organisée aussi le 14 avril. AC le feu insiste sur la nécessité de comparer les programmes dans cette élection sur des thèmes concrets. Le débat politique est aujourd’hui très pauvre et nous devons, alors que le monde nous regarde, redonner à la politique ses lettres de noblesse. Ses deux représentants insistent au passage sur l’idée que si des réponses satisfaisantes aux problèmes soulevés étaient apportées, leur association aurait vocation à disparaître. Les associations présentes ont eu ensuite l’occasion d’évoquer leurs difficultés. Palmyre Vincent a d’abord évoqué des problèmes de reconnaissance par les pouvoirs publics, renforcés par le fait que son association agit hors des circuits habituels de l’école. Pour elle, les politiques doivent reconnaître que l’on peut faire autrement, sans attendre tout de l’Etat. Certaines associations comme « Entraide Scolaire Amicale » ne perçoivent pas de subventions mais des financements extérieurs (par la CAF et la DDASS). Le système de financement reste très complexe et demande du temps aux associations qui cherchent à collecter des fonds. Quelques changements récents pourraient avoir des effets négatifs en matière de subventions. Ainsi les mairies jouent-elles un rôle important désormais dans le cadre des CUCS (Contrats Urbains de Cohésion Sociale). L’attribution de subventions peut donc dépendre des relations entretenues avec les municipalités. Toutes les associations présentes soulignent un problème de double non pérennité qui les place dans l’incertitude. D’une part, les subventions ne sont pas forcément renouvelées et, d’autre part, la succession de dispositifs de contrats aidés qui apportent aux associations des moyens humains mais dont le périmètre peut varier, peut aboutir à ce que des associations soient brutalement privés de moyens humains. Pour cette raison « A chacun ses vacances » a limité le nombre de ses adhérents, face à ces problèmes de pérennité. Un ancien directeur d’école, pendant 25 ans dans une ZEP à Paris, prend la parole. Pour lui, ce n’est pas l’école qui va transformer la vie et la ville mais c’est le mieux vivre ensemble qui est essentiel. C’est la raison pour laquelle il a créé une association (« Rungis-Brillat-Peupliers »). Il dénonce la ghettoïsation opérée par la bourgeoisie au XXème siècle et affirme que c’est au titre du refus des cloisonnements qu’il s’est battu jusqu’en 1988 contre la création d’une ZEP dans son quartier. Il estime que « c’est aux frontières qu’il faut se battre ». Il plaide pour une vision sans zones et sans frontières, pour qu’on abatte les cloisons au profit de quartiers métissés. Il a vu dans l’émergence des contrats de ville en 1995 une volonté positive de « travailler à la frontière », en franchissant les barrières. Le « mieux vivre ensemble » doit ainsi primer sur cette logique de cloisons et de frontières. En écho, « AC le feu » rappelle la nécessité de garantir la mixité sociale et ce dans les deux sens. Parfois l’administration contribue avec les bailleurs sociaux, dans l’attribution des logements sociaux, à l’absence de mixité. Pour « AC le feu », le principal problème aujourd’hui en politique est un problème de communication. Les politiques, quelle que soit leur couleur, doivent rendre des comptes et présenter des bilans de leurs actions. La concertation fait cruellement défaut aujourd’hui. Mais, elle ne doit pas procéder que d’un affichage au moment des élections mais doit être permanente. Personne n’est dupe. Il faut donc discuter et introduire une vraie communication aujourd’hui. Pour « AC le feu », nous devons tous être unis pour porter un message sur l’égalité des droits. Il faut aujourd’hui plus de volonté politique et de représentativité (générationnelle notamment). Eros N’Simba pointe quant à lui du doigt la banalisation actuelle du racisme et rappelle la nécessité de lutter contre les discriminations géographiques et raciales qui sont bien réelles (ce que rappelle aussi « AC le feu »). A cet égard, pour lui, la création de la HALDE ne servira à rien si elle ne s’accompagne pas d’un « changement dans les têtes ». Par ailleurs, selon Eros N’Simba, les questions internationales jouent un rôle crucial dans les quartiers. Tout le monde parle du conflit israëlo-palestinien. Il faut un partage et une politique juste à travers le monde. Alors que la situation internationale est inquiétante, le discours politique gagnerait à être moins ambigu et plus clair sur ces questions ainsi que sur les relations avec les pays africains. Plus largement, il ressort de cet échange que ce qui demeure central aujourd’hui, c’est la question sociale et qu’il faut résister à toute tentation de l’ethniciser et de favoriser le communautarisme (l’appel à des religieux extrémistes en cas de tensions n’est pas une bonne solution). La question des banlieues est donc sociale avant tout, elle n’est pas ethnique. [Nous remercions chaleureusement les associations d’avoir accepté de venir nous rencontrer à Sciences Po. Nous rappelons qu’elles ne sont en aucun cas venues à Sciences Po dans l’esprit de soutenir un quelconque parti politique mais pour sensibiliser le public à leur action. Cet évènement ne saurait donc être lié à la campagne que nous conduisons pour la présidentielle. Nos remerciements vont bien sûr à Rabah Labied dont la détermination nous a permis d’entrer en contact avec ces associations et sans qui cet évènement n’aurait pu avoir lieu.] par Section socialiste de Sciences-Po publié dans : Vie de la section socialiste de Sciences-Po

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